lundi 13 décembre 2010

PREMIERS PAS DE BLOGUEURS

AVERTISSEMENT
SI VOUS ÊTES FAMILIER DU SITE DE LUCIEN BERGERET
INUTILE DE LIRE LE TEXTE CI-DESSOUS



Il y avait , au départ, trois personnages que nous serons parfois amenés, pour la clarté du discours, à désigner par X, Y ou Z.
Pour les définir un peu mieux,  précisons que X et Y naquirent le 5 Mai 1943 dans la délicieuse petite ville de ******. Z ne souhaitant pas faire connaitre son âge, nous ne donnerons pas la date  de sa naissance dans cette même ville.
Rien d’étonnant donc à ce que X, Y et Z soient inséparables depuis ce que nous pourrons appeler la nuit des temps.


Un soir de Février MMX, Y nous stupéfia en nous annonçant qu’il venait  d’ouvrir un blog.


                                   « C’est fait ! Je suis enfin un objet virtuel. »

-- Pourquoi un blog ?
-- Oui… « Pourquoi un blog ? » ...... J’ai ouvert ce blog par curiosité. J’espère mieux comprendre de l’intérieur…
Vous devriez trouver les raisons dans une série d’articles que j’ai plus ou moins en tête, si je parviens à les cerner moi-même…
-- ……………………………………..
-- J’ai là un projet de texte qui devrait paraitre sous le titre « Pourquoi un blog ? » :

      Pourquoi, malgré mon hostilité à Internet, ai-je finalement ouvert ce blog ?
Je pourrais donner plusieurs raisons, mais le mobile unique s’appelle curiosité.

Cela a commencé voilà un an avec la lecture de L’autofictif de Chevillard ; j’entends la lecture du livre issu de  son blog.  Le livre terminé, je suis allé lire la suite sur écran.
Ensuite… J’ai ouvert un lien vers La république des Livres que les habitués appellent le blog à passou … puis d’autres liens…

J’ai parfois été tenté d’entreprendre une étude sociologique de ce que nous appellerons « personnages virtuels », mais mon hostilité à Internet reste la même.


Et puis j’ai ouvert ce blog pour voir ce qu’il en adviendra.
Absence définitive de réactions ?
Insultes ?
Divine surprise ?

Cela répond-il à votre question ?
-- ………………………………….

-- Quel type de blog ? 
-- Enigmes littéraires
-- ………..
-- Je propose un extrait de texte dont on devra trouver l’origine.
-- (voix timide) Qui penses-tu intéresser ?
-- Personne.
-- ……
-- ………………………
-- Tu as pensé au copyright ?
-- Ce seront des extraits très courts, ce serait plutôt une publicité…..
    Je ne vois pas où serait le problème.
-- ……………..
-- ………………
-- Mais, si tu ne penses intéresser personne, pourquoi un blog public ?
-- J’ai  dit qu’il était public ?
-- (voix soulagée) Oh ! J’ai cru
-- Mais bien sût ! Il est public. Sinon, pourquoi des énigmes ?
-- (toute petite voix ) Oui ! Pourquoi ?



Y tarda à répondre ; il était évident qu’il n’en savait pas plus que nous.


«  Oui……… Pourquoi des énigmes ? …. Que vous dire ?..... Que vous dire !.....Pour répondre à votre question, ayant ouvert un blog, il fallait le justifier, lui donner un contenu… N’ayant aucune prétention à l’écriture, j’ai pensé assez naturellement à proposer des extraits littéraires… Les premiers qui me vinrent  à l’esprit, parce que je les lis avec un plaisir toujours renouvelé, peut-être parce qu’ils sont -- ou me semblent être – peu connus, déroutants pourrait-on dire, de valeur littéraire discutable -- ce qui ne signifie pas « indiscutablement sans valeur littéraire » --, oubliés souvent – rappelez-vous combien il m’a été difficile de me procurer le Lutrin de Boileau --   furent Le Lutrin précisément, le Roman Comique de Scarron – qui lit encore Scarron ? --, le Contre Sainte-Beuve de Proust, une nouvelle de Camus ; et parce que je les crois peu connus, il m’a paru intéressant de les donner à reconnaitre ; et alors, oui, cette question se posait et je me la suis posée :  «  A qui vais-je proposer ces énigmes s’il est bien clair que je ne souhaite aucun public ? »
Eh bien, pourquoi pas à vous ?
Et si vous faisiez office de public ?

-- ………………………………………..

-- Pourquoi ne pas envisager  un dialogue, mais un dialogue écrit entre nous ? »


…………………………………………………….


--Après tout, pourquoi ne pas essayer ?, dit X.
Pour ma part, je signerai en fonction des circonstances. Restant entre nous, cela ne posera aucun problème.
  Et toi et ton blog,  on vous appelle comment ?
-- la-revolte-des-anges.over-blog.com et Bergeret

-- Sous le signe d’Anatole France, alors ?, dis-je.
Eh bien d’accord ! Je signerai passante. C’est le pseudo que j’ai adopté les rares fois où je n’ai pas résisté à donner un avis ici ou là.

-- Je ne souhaite pas de public, je ne ferai aucun effort de publicité, mais j’ai laissé la porte ouverte….


……………………………………………………


-- Pourquoi la porte ouverte ?....


« Pourquoi la porte ouverte ?... Vous m’embarrassez un peu… »

Y, que nous appellerons désormais Bergeret, et même Lucien Bergeret, voire Lucien, Lucien donc, hésite à répondre, à son habitude.

«Dans le papier que je vous ai lu, j’évoquais la curiosité … Oui, j’ai envie de savoir s’il y aura réaction et, si oui, quelle en sera la nature.
Peut-être, rêvons un peu, pourrions-nous donner l’envie  de lire …
Et puis, le risque, pour infime qu’il soit, d’un jugement extérieur peut modifier notre comportement habituel ; peut-être parviendrons-nous à tenir un cap pour une fois… »

Rires dans l’assistance.

«--  Quel cap ? , demande X qui commence à s’amuser.
-- Je ne suis pas sûr de le savoir avec précision……….
Je pense ,en premier lieu, à une mise en fiche de mes lectures passées ; j’ai observé qu’il me devient de plus en plus difficile de retrouver l’ouvrage dans lequel figure tel passage dont tout à coup le souvenir me traverse l’esprit ; ma mémoire me fuit peu à peu ; chercher chaque jour un tel extrait, le copier, le proposer en énigme me permettrait l’exercice évident et immédiat, où le blog n’interviendrait que comme « obligation subjective »,  de recherche ; à plus long terme, je deviendrais un joueur comme un autre : il est probable que dans un an j’aurai les mêmes difficultés que n’importe qui à trouver l’origine des textes que j’aurai choisi.
-- Gymnastique de la mémoire donc ?
-- C’est bien cela…. Mais il y aurait aussi un travail de synthèse… J’ai beaucoup lu, pas mal retenu, mais j’éprouve de plus en plus le besoin d’ordonner tout cela… Pourquoi ?, me direz-vous…. Je répondrai peut-être plus tard… Tout cela est encore un peu vague.
-- ……………………..
-- En résumé, tu veux travailler ta mémoire, tout en acquérant une vue d’ensemble de la littérature, tout au moins de celle que tu connais bien, dans un but à découvrir peut-être un jour, et tu comptes sur la vague impression d’être surveillé par un « pion virtuel » pour vaincre ta paresse légendaire.

-- … Admirablement résumé, en effet.
         On s’y met ?


Nous nous y sommes mis
Ayant créé le blog La Révolte des  Anges, Bergeret se mit résolument au travail, favorisé par le temps médiocre et peu propice aux sorties que nous connaissions  alors, épaulé par X et Z qui, au début, jouèrent comme prévu le rôle de visiteurs extérieurs, X signant, selon le contexte, dinosaure, moins-de-quarante-ans, anonyme-confirmé, Z se bornant à passante, plus conforme à son personnage, puis, prises au jeu de la « comédie virtuelle » se mirent à écrire tel ou tel article.

Bergeret était devenu trois personnes distinctes ou, si vous préférez, trois personnes distinctes devenaient Bergeret.

Peu à peu, les fonctions se précisèrent : Z prit en charge la première mission du blog, la recherche de textes pour les énigmes (Tiens ! N’était-ce pas un exercice supposé entretenir la mémoire de Bergeret ?) ; ce fut elle aussi qui plus tard se chargea de donner les « solutions » sur la suggestion du visiteur Lili des collines (ici une parenthèse pour crier : "LILI REVIENS!" )–le fils de X qui accepta de jouer ce rôle quelques temps— , (Tiens ! J’ai complètement oublié les dernières énigmes qui ont certainement passé l’échéance !) ; X ouvrit une rubrique d’extraits littéraires pouvant être rapportés à la lecture ou à l’écriture, « a propos des livres » en fut l’intitulé. Il nous arriva de travailler de concert, le texte de X pouvant fournir un indice à l’énigme de Z.
Que faisait pendant ce temps Lucien qui avait complètement oublié ses fameuses énigmes ?
Lucien écrivait de fausses confidences qui auraient pu émaner du Bergeret d’Anatole France  et de confidences presque vraies sur les raisons qui l’avaient amené à ouvrir ce blog.

Et, cahin-caha, il en fut ainsi jusqu’à Mi-avril.

Le 11 Avril 2010, sous le titre Grand Canal, Bergeret écrivait :
Ce soir, nous partons à Venise, Madame Bergeret, le chat et moi.

Il prétextait l’espoir d’y rencontrer Clopine Trouillefou, personnage virtuel et fabuleux dont X fréquentait assidument le blog à cette époque. En réalité, ils partaient tous deux—X et Bergeret—vers leur maison de campagne.

Et Z—c’est-à-dire moi—se retrouva—ou me retrouvai—seule pour quelques jours, chargée de l’entretien de ce blog.

C’est alors que surgit Riquet.

Riquet, comme vous le savez peut-être, est le chien de Bergeret, le chien du Bergeret d’Anatole France—vous saurez tout sur eux en lisant Histoires contemporaines (L’orme du mail, Le mannequin d’osier, L’anneau d’améthyste, Monsieur Bergeret à Paris) et les courts récits Putois et Riquet--, il était donc normal qu’il vienne ici tenir sa place, à mes côtés, à l’instant où je décidais de devenir Zoé, sœur de Lucien Bergeret.

Nous avons alors écrit une dizaine d’articles jusqu’au retour de Lucien .

Le 21 Avril, Bergeret effectuait sa rentrée, annonçant la reprise en main de son blog, évoquant La Révolte des Anges pour décrire l’état dans lequel il avait trouvé sa bibliothèque.

Quelques explications pouvant paraitre ici nécessaires, ouvrons une parenthèse :

(La Révolte des Anges est un roman d’Anatole France dont les éléments déclencheurs sont Arcade, ange gardien d’un certain Maurice d’Esparvieu et l’Esparvienne, bibliothèque encyclopédique de la famille d’Esparvieu. Arcade, utilisant ses nombreux loisirs à la lecture, devient savant et athée et participera à la préparation de la nouvelle révolte des anges qui aurait dû réussir mais qui sera annulée à la dernière minute et à la fin du roman.
Au début du roman, le bibliothécaire s’étonne de certains désordres, de curieuses disparitions de livres. Cela explique l’allusion de Bergeret : comme Arcade poursuivant la connaissance dans les trésors de l’Esparvienne, Riquet, à la recherche des traces du chien dans la littérature, aurait déplacé, emprunté les précieux volumes de la Bergeretienne.
Fermons la parenthèse)

Serez-vous surpris si je vous dis qu’en réalité, la bibliothèque de Bergeret était, à son retour, dans son état habituel ?

Il annonçait dans le même billet la décision de  « Madame Bergeret » d’ouvrir son propre blog.

Et X ouvrit son blog le 22 Avril.
Et son blog fut le-mannequin-d-osier.over-blog.com.
Et X devint Charlotte Bergeret ou Charlotte-Eugénie Bergeret, selon l’humeur.

Pourquoi Bergeret ?
Bergeret n’est-il pas son mari ?
Rien à voir, m’assura-t-elle, avec la « Mme Bergeret » du Mannequin d’osier, celle dont Lucien divorça dans les années 1890 comme vous le savez peut-être. Si vous ne le savez pas, vous lirez avec profit Les Histoires Contemporaines d’Anatole France.

Pourquoi Charlotte ?
Il s’agit d’un souvenir de sa petite enfance, cette chanson que lui chantait sa grand-mère :

Il était une dame Tartine
Dans un beau palais de beurre frais
Les murailles étaient de praline
Le parquet de raisiné
La chambre à coucher
Etait d’échaudés
Le lit de biscuit
C’est fort bon la nuit.


On y vient :

Leur fille  la belle Charlotte
Avait un nez de massepain
D’admirables dents de compote
Des oreilles de ….       
De quoi les oreilles ?....
Pourquoi Charlotte-Eugénie ?
Pour l’euphonie ? Je ne sais. Elle ne sait.
Ici, nous dirons simplement Charlotte.

Charlotte donc ouvrit son blog le 22 Avril.

Je relève à cette date, deux articles :
Présentation
« Nous partîmes à Venise, d'où nous revînmes hier. Tout cela est parfaitement faux. Notre dernière visite au Grand Canal remonte à Juillet 1989 », nous dit-elle en substance.
Madame Bovary et moi
« Parmi les titres de ma bibliothèque que je ne me décide pas à ouvrir celui dont le cas est peut-être le plus curieux est Madame Bovary.
Je ne l'ouvre pas parce que je le connais, ou crois le connaitre, trop.
 Je pense l'avoir déjà lu. C'est fort probablement le cas, vers quinze ans sans doute, mais ce n'est pas sûr. Il est tout aussi possible qu'en ayant lu trop d'analyses, ce souvenir soit  imaginaire.
Il est également possible que je ne l'ouvre pas pour avoir entendu quelqu'un me dire quelque jour : « Ma chère Charlotte, vous êtes une Emma Bovary ». »

Au début,  Charlotte sembla suivre une ligne rigoureuse, elle nous parlait de ses lectures.

A son article, Madame Bovary et moi, qui inaugura la rubrique des Lectures impossibles, et dans lequel elle décrivait ses réticences à entamer la lecture de ce roman de Flaubert, succédèrent La Recherche du temps perdu pour la rubrique A relire et Sous les yeux d’Occident pour Lectures impossibles. Dans la page qualifiée de « pense-bête »  où elle commença alors à consigner ses projets d’articles, on lisait :

Les sujets sur lesquels j'écrirai peut-être un jour.
Rubrique Lectures impossibles
L'Idiot
Le Roman de la Rose
Rubrique Lectures en panne :
Crime et Châtiments
L'Enfer de Dante
Tacite
Guez de Balzac
L'Astrée
Le Roman de Renard
Le Tiers Livre
Rubrique Lectures récentes
Moby Dick
Les mémoires d'Outre-Tombe
Rubrique Lectures à refaire
Bouvart et Pecuchet
La princesse de Clèves
La Comédie Humaine
La Recherche du Temps Perdu (fait?)
Les mémoires d'Hadrien
Relectures depuis la nuit des temps
Les Alice
Les Histoires contemporaines (A.France)
La Révolte des Anges
Molière
Diderot
Autres
Rutebeuf
Scarron
Le lutrin
Le Decameron/ Les Contes de Canterburry/ L'Heptameron/ Les Fables de La Fontaine
Les Métamorphoses d'Ovide
Montaigne/Alain

Le programme était vaste.


Tandis que Charlotte se mettait bravement à l’ouvrage,  que faisait Bergeret ?

Bergeret parlait, dans la Révolte des Anges, du petit monde virtuel qu’il avait découvert au hasard de ses visites au blog La république des livres.

A cette époque-là, un certain Montaigneàcheval s’empoigna avec Clopine Trouillefou.
Lucien prit fortement le parti du premier—selon lui, dame Clopine s’était comportée comme une de ces dangereuses pestes que nous avons toutes connues dans nos jeunes années, mélange d’inconscience, de sottise et de vacherie—et il se lança dans la rédaction d’articles qui prenaient à parti Madame Trouillefou.
Charlotte et moi lui déconseillâmes de poursuivre ; malgré le minuscule public de Bergeret, et donc la très faible chance de nuire à quiconque, nous ne trouvions pas cela correct, même si Clopine nous avait donné elle-même les arguments de défense c’est-à-dire, en substance et en interprétation libre : « M’enfin j’ai dit cela chez moi, m’enfin je ne suis pas allée les insulter chez eux, m’enfin c’est lui qui vient m’embêter chez moi et ça c’est pas correct».

Nos remarques ou peut-être son penchant à la paresse mirent un terme à la rubrique Blogosphère.
Le dernier article publié dans cette rubrique, Mes personnages virtuels-V, n’attaque plus. On y trouve seulement des liens vers des articles repérés sur « la toile » sur ces « personnages virtuels » qui le fascinaient alors.

Le 28 Avril, je note un billet d’humeur à propos d’Anatole France.

Besoin de se faire pardonner ? Paresse ? Charlotte abandonna  ses « fiches de lecture » pour aider Bergeret à revenir à ses énigmes en publiant de prétendus indices : l’inventaire du contenu de leur bibliothèque—les noms d’auteur--, étagère par étagère ; elle copiait les fichiers Word que j’avais construits l’année précédente et fort peu mis à jour depuis ; les lacunes y étant nombreuses, les indices de Charlotte sont fragiles.
Elle publia encore, à cette époque, quelque chose sur Madame Bovary et une règle de jeu indigeste, une patience qu’elle appelle Les Calculs, qui n’intéressa jamais que « dinosaure », un pseudo parmi d’autres d’elle-même—mais je ne vous apprends rien--.
Elle était bien trop occupée par l’organisation de leur voyage à Paris pour s’intéresser vraiment à son blog.

C’est à cette époque, me semble-t-il, que Lucien décida de présenter en en-tête de son blog l’extrait de Montaigne qui décrivait exactement sa motivation de blogueur.

Dernièrement que je me retirai chez moi, délibéré autant que je pourrai, ne me mêler d'autre chose que de passer en repos et à part ce peu qui me reste de vie, il me semblait ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oisiveté, s'entretenir soi-même, et s'arrêter et se rasseoir en soi : ce que j'espérais qu'il peut meshui faire plus aisément, devenu avec le temps plus pesant et plus mûr.

Il poursuivait en bas de page:



Le 7 mai, Charlotte et Lucien partirent pour Paris.

Je restai avec le chien et les chats.