dimanche 29 mai 2011

Journal de Zoé : Attendons ...

Dimanche 29 Mai 2011

Hier
Après une nuit excessivement courte, passée à lire Saint-Simon, j’ai « fainéassé » toute la journée.

Aujourd’hui
Vélo
Vérification mensuelle de mon budget

Il devient évident que jusqu’à ma visite à « tantine », mi-juin, ce journal sera vide.
Je le reprendrai donc après « La Visite », sauf événement imprévu évidemment.

En attendant, je vais tenter de m’intéresser à nouveau à « L’Histoire des blogs des Bergeret ».

vendredi 27 mai 2011

Journal de Zoé : De plusieurs événements

Vendredi 27 Mai 2011

Si je n’ai encore rien dit de l’Affaire DSK, c’est parce qu’il me parait prématuré d’avoir une opinion. Disons quand même que le système judiciaire américain me semble aberrant, que je ne partage pas la colère « féministe » qui s’est exprimée depuis quelques jours, que je n’ai aucune sympathie politique pour DSK mais que je souhaiterais un peu plus de sérénité.
Le futur accouchement de Mme Sarkozy  dont j’avais dès 2008 prévu la date ave une bonne précision—mais cela nécessitait-il des dons exceptionnels ?—m’amuse beaucoup. J’ai parié avec Lucien que l’événement serait télévisé. Il prétend que c’est inenvisageable. Charlotte ne se prononce pas.

J’ai reçu ce matin une nouvelle lettre que j’ai pris le temps de transcrire intégralement :

Ma chère Zoé,
Ce 14 Mai, je reprends cette correspondance. Voici  précisément deux semaines que ma précédente lettre t’a été expédiée. Je crois me rappeler m’être embarquée dans d’assez longues et peut-être même confuses digressions pour justifier mes souvenirs parfois discutables ; j’ai dû évoquer quelques exemples de souvenirs construits et probablement aussi d’autosuggestion. Il s’agissait de préciser la « fraternité » de mes deux « amis » et de justifier mon erreur sur l’Ecole Normale. J’ai, depuis le départ de ma lettre, pensé qu’un autre détail a pu te paraitre suspect : l’engagement de ton père dans la Résistance, chose dont tu n’as jamais entendu parler—et pour cause-- et qui effectivement, à la réflexion, parait bizarre.
La fatigue m’avait arrêtée. Aujourd’hui, 19 Mai, je peux reprendre ma rédaction.  J’en étais donc à ce que je t’avais précédemment écrit de notre passé de « résistants ». Là encore, j’ai légèrement modifié la réalité, mais, là encore, il n’entre aucune malice, aucun calcul : la vision que nous pouvions avoir de nos actions dans ces sombres années est, si tu y réfléchis, bien différente de celle que vous pouvez en avoir, des années plus tard, vous qui n’avez pas, ou si peu, connu cette époque ; à l’habituelle cause de la différence de « point de vue » entre générations, le passage du temps, vient s’ajouter le changement radical  que nous connaissions alors, ce recul sans précédent de civilisation, ce retour brutal aux temps barbares ; c’était la fin du monde dans lequel nous avions grandi, c’était le retour de la Loi du plus fort et, dans ce contexte-là, un acte banal de la vie quotidienne des années précédentes, des années dont on ne savait même plus si elles avaient été « normales », devenait indiscipline, devenait acte de résistance.
Encore arrêtée par l’arthrite et aussi par la fatigue due à l’agitation provoquée par le retour des souvenirs, je peux reprendre ce 23 Mai.
Je voulais te parler de ma vie avec Paul et ses enfants et me voilà aux prises avec un passé que je croyais pour toujours disparu, avec un Temps que je ne souhaitais pas vraiment retrouver. Je t’expliquais—et peut-être l’expliquais-je à moi-même-- que notre vision de la réalité étant faussée par ce que nous vivions, il est bien possible que nos souvenirs l’aient été de la même façon.
Oui. Nous vivions dans un monde irréel dont la sortie a été pour la plupart d’entre nous un immense soulagement et de ce monde, de cette vie, nous n’avons après tout gardé que le souvenir que l’on peut conserver d’un cauchemar. Et puis ne négligeons pas non plus l’influence de l’image donnée après coup de l’époque, des décennies de « pieux mensonges » où l’on a voulu occulter ce qui dicta d’évidence notre comportement réel, survivre, ne pas se faire remarquer, rien de bien glorieux sans doute, et, au sortir de tout cela, comment petit à petit ne pas se persuader que nous avions bien été ces héros…..
Oh ! Des héros, il y en a eu. La plupart en sont morts. Mais ton père et nous, ….
Nous avons quand même un peu aidé, un tout petit peu. Je te raconterai cela plus tard. Je dois m’arrêter maintenant.
Mercredi 25 Mai 2011
Le facteur vient de m’apporter ta lettre.
« J’ai beaucoup réfléchi, « tantine », et me suis finalement résolue à venir vous voir. Il m’est impossible de préciser la date, mais ce sera aux alentours du 15 Juin» me dis-tu. C’est donc de vive voix que je te poursuivrai mon récit.
A bientôt, ma petite Zoé.
Tante Jeanne

jeudi 26 mai 2011

Journal de Zoé : Et ron et ron!

Jeudi 26 Mai 2011

Hier, j’ai passé beaucoup trop de temps sur la Rdl(le bug de l’entrée des commentaires, qui dure encore, donnant lieu à des amusements puérils dont j’éprouve un peu de honte)

Je regrette un peu ma réponse à « tantine », non que je redoute d’aller la voir et de m’engager dans une relation qui peut devenir pesante, mais parce que je me dis que si nous nous voyons, elle ne m’écrira plus et, peut-être, ses lettres me manqueront.
Je sais. C’est idiot.

Je continue avec Saint-Simon qui me donne djà envie de me procurer les mémoires de La Rochefoucauld.

mardi 24 mai 2011

Journal de Zoé : Saint-Simon entre autres....

Mardi 24 Mai 2011

Les menuisiers ont remplacé hier les maçons qui reviendront ensuite pour une deuxième phase.
J’ai abandonné Swann que je connaissais bien pour Saint-Simon que je découvre en lecture lente.
Délire cet après-midi chez Assouline. La fenêtre ENVOYER UN COMMENTAIRE, qui précise pourtant « l’adresse mail ne sera pas publiée », propose par défaut le pseudo et l’adresse du dernier commentateur.


Je pense que « tante Jeanne » a dû recevoir ma lettre.

Attendons et nous verrons.

lundi 23 mai 2011

Journal de Zoé : Rétrospective

Lundi 23 Mai 2011

J’ai ouvert ce journal le Mercredi 2 Mars 2011 par ces mots :
« Ici débute le Journal de Zoé Bergeret.

Je n’ai jamais écrit sur la première page lisse et blanche d’un cahier neuf amoureusement choisi :
« Petit cahier,  c’est à toi qu’aujourd’hui, jour de ma sortie de pension, je décide de confier mes impressions quotidiennes. L’honneur que je te réserve est grand. J’espère que tu l’apprécies. Puisses-tu demeurer toujours le plus discret de mes amis ! »

Eh bien, aujourd’hui, trois mars deux mille onze, âgée de soixante-huit ans, j’écris :
Ici débute le Journal de Zoé Bergeret »

Après cela, j’ai écrit tous les jours—enfin, presque  tout les jours—sur tel sujet qui passait :
Quelques confidences sur la vie supposée des Bergeret
L’avancement de mon « Histoire des Bergeret » qui en est toujours au même point.
Quelques remarques sur l’actualité récente
D’autres sur mes dernières lectures
N’oublions pas un projet de roman dont il me surprendrait fort que nous reparlions un jour
Quelques mots de l’inimitable Clopine Trouillefou
Des confidences sur mon activité de bibliothécaire
Le rappel d’un article ignoble lu dans mon enfance dans l’Almanach du Pèlerin
Des considérations sur l’incommunicabilité sur la Toile

Et, alors que deux jours plus tôt j’écrivais :
« Journée médiocre, malgré le beau temps.
Lu, dans un recueil récemment acheté, quelques préfaces, déjà lues pour la plupart, de romans du XIXème.
Demain, changement d’heure et pluie annoncée »
le 28 Mars, je recevais La Lettre et j’écrivais :
« Au courrier-- je parle du véritable courrier, celui qu’un véritable « facteur » dépose chaque jour ouvrable dans ma boite aux lettres--,  je trouve aujourd’hui, avec les habituels coupons de réduction—cette fois, j’userai peut-être de celui de la Redoute pour une table basse que j’avais décidé de commander en Avril--, l’objet le plus étonnant, le plus inattendu, le plus incongru, le plus anachronique, une lettre, une véritable lettre, une lettre manuscrite de deux pages pleines, pour tout dire une lettre de ma tante Jeanne dont je n’avais pas entendu parler depuis …. »

Et maintenant, quand je n’ai pas sa dernière lettre à déchiffrer, le croiriez-vous, je m’ennuie.

samedi 21 mai 2011

Journal de Zoé : Grave décision

Samedi 21 Mai 2011

Ce matin, nous sommes allés marcher le long de la Rigole de la Plaine.
Nombreux « joyeux pélerins ».
Au retour, j’ai trouvé dans mon courrier, les Mémoires de Saint-Simon commandées la semaine dernière.

Et, cet après-midi, j’ai rédigé une réponse à « ma tante » et je l’ai expédiée.

En voici la copie :

Madame que je ne sais comment nommer et après tout, pourquoi pas….

« Ma tante »,
J’ai évidemment été fort surprise par votre première lettre, un peu moins  par la suivante.
Comme vous le notez vous-même, je ne savais rien de votre existence et la question «L’avons-nous oubliée ou s’agit-il d’une mystificatrice ? » s’est posée, se pose encore.
Certaines erreurs manifestes de votre première lettre  que vous avez d’ailleurs tenté de justifier dans la suivante, dont on peut penser qu’elle n’a été écrite que dans ce but, vous avaient été plutôt favorables dans mon esprit tellement leur maladresse  infirmait l’hypothèse que nous pussions être victimes d’un escroc professionnel. De même, dans les exemples de votre deuxième missive, cette anomalie d’une jeune femme qui  croyait avoir fait l’Ecole Normale  d’Institutrices en 1943« ce qui aurait très probablement été le cas si le monde n’était pas devenu fou » et qui se retrouve prof de Latin dans les années 50, ce qui peut paraitre bizarre si on sait que l’Ecole Normale d’Instituteur n’était pas généralement la suite d’études secondaires classiques, cette anomalie-là ne vous disqualifie pas complètement à mes yeux.
J’ai beaucoup réfléchi, « tantine », et me suis finalement résolue à venir vous voir.
Il m’est impossible de préciser la date, mais ce sera aux alentours du 15 Juin.
A bientôt, « tantine »,
Zoé Bergeret

jeudi 19 mai 2011

Journal de Zoé : Peu de choses

Jeudi 19 Mai 2011

Vélo.
J’ai proposé à Lucien un extrait du Journal de Jules Renard. Je crois qu’il l’a publié sur un de ses blogs.

En voici le texte :

--Oui, maman.
--D’abord, je ne suis pas votre mère, et je n’ai pas besoin de vos compliments.
Tantôt elle oubliait de mettre son couvert, tantôt elle lui donnait une fourchette sale, ou bien, encore, en essuyant la table, elle laissait des miettes devant sa bru. Au besoin, elle y amassait en tas celles des autres. Toutes les petites vexations lui étaient bonnes.
On entendait : « Depuis que cette étrangère est ici, rien ne marche. » Et cette étrangère était la femme de son fils. L’affection du beau-père pour sa bru attisait encore la rage de la belle-mère. En passant près d’elle, elle se rétrécissait, collant ses bras à son corps, s’écrasait au mur comme par crainte de se salir. Elle poussait de grands soupirs, déclarant que le malheur ne tue pas, car, sans cela, elle serait morte. Elle allait jusqu’à cracher par dégout.
Parfois elle s’en prenait au ménage tout entier. « Parlez-moi d’Albert et d’Amélie. Voilà des êtres heureux et qui s’entendent. Ce n’est pas comme d’autres qui en ont l’air seulement. »


mercredi 18 mai 2011

Journal de Zoé : Routine encore

Mardi 17 Mai 2011

Vélo avec Lucien et Charlotte. En pédalant, je composais une réponse à « tantine ».
Au retour, lecture : Un amour de Swann
Personne n’ayant envie de préparer le repas, restaurant le soir.
Couchés de bonne heure.


Mercredi 18 Mai 2011

Dans la famille Bergeret, je ne sais qui est le moins « motivé ».
Un peu, très peu, d’arrachage d’orties ce matin.
J’ai commencé la rédaction d’une réponse à « tantine » que je n’enverrai sans doute jamais.

Madame que je ne sais comment nommer et après quoi, pourquoi pas….

« Ma tante »,
J’ai évidemment été fort surprise par votre première lettre, un peu moins  par la suivante. Comme vous le notez vous-même, je ne savais rien de votre existence et la question «L’avons-nous oubliée ou s’agit-il d’une mystificatrice ? » s’est posée, se pose encore.
Certaines erreurs manifestes de votre première lettre  que vous avez d’ailleurs tenté de justifier dans la suivante, dont on peut penser qu’elle n’a été écrite que dans ce but, vous avaient été plutôt favorables dans mon esprit tellement leur maladresse  infirmait l’hypothèse d’un escroc professionnel. De même, cette anomalie d’une jeune femme qui  croyait avoir fait l’Ecole Normale  d’Institutrices en 1943« ce qui aurait très probablement été le cas si le monde n’était pas devenu fou » et qui se retrouve prof de Latin dans les années 50, ce qui peut paraitre bizarre si on sait que l’Ecole Normale d’Instituteur n’était pas généralement la suite d’études secondaires classiques, cette anomalie-là ne vous disqualifie pas complètement à mes yeux.

J’en suis là.
Je devrais répondre aux commentaires qui s’accumulent chez Charlotte.

On verra.

Je continue Swann.

lundi 16 mai 2011

Journal de Zoé : La Routine

Lundi 16 Mai 2011

Hier :
Vide-grenier : RIEN.
Orties : Peu de chose
Lecture : COMBRAY
Lucien et Charlotte étaient chez la mère de Charlotte ; il semblerait qu’il y ait eu une scène violente ; CHARLOTTE EFFONDREE.

Aujourd’hui
Orties : un peu
Lecture : COMBRAY ENCORE


Attendons la troisième lettre.

samedi 14 mai 2011

Journal de Zoé : La deuxième lettre

Samedi 14 Mai 2011

Je suis enfin arrivée au bout de la deuxième lettre.
En voici le texte complet.

Ma mère, je ne sais pas si tu t’en souviens, mais non, suis-je sotte, tu ne peux pas l’avoir rencontrée si je ne la voyais plus moi-même à cette époque-là, ma mère était une femme de l’ancien temps et, je ne dis pas une bourgeoise, mais issue de la bourgeoisie. Sa mère avait toujours eu plusieurs bonnes, la mienne avait un peu déchu et l’époque avait changé, il devenait difficile de « se faire servir » comme elle ne cessait de répéter n’importe quand et n’importe à qui. J’ai été élevée dans l’idée surannée qu’une « demoiselle bien élevée doit tout être capable de faire le ménage, non parce qu’elle aura à le faire elle-même—à Dieu ne plaise !--, mais parce qu’elle aura sans doute à former ses bonnes et que pour en être respectée elle devra se montrer compétente ».
Ses bonnes, ma mère les choisissait parmi les jeunes personnes de M… que leurs parents souhaitaient « placer » en ville. Ces gamines, sous prétexte de « formation », assuraient notre service pour presque rien ; je ne trouve pas d’autre mot que « rien » pour les conditions dans lesquelles elles étaient « logées, nourries, blanchies ».
Et voilà que je parle de ma mère et que je ne sais même plus ce que je voulais t’écrire.
Si j’ai commencé cette lettre, c’était pour te parler de notre passé commun, te le faire connaitre, car il me semblait indispensable de savoir qui nous sommes vraiment. Et maintenant, je m’interroge sur la nécessité de tout cela. Cette grande fatigue que je m’impose te sera-t-elle vraiment utile ? Pourquoi remuer le passé ?
Ce 11 Avril 2011, je reprends ce courrier.
Voilà plus de deux semaines, je t’ai envoyé les premiers feuillets.
Les premières lignes de ce texte-ci étaient alors déjà rédigées.
Je les conserve et commence maintenant une deuxième lettre où j’essaierai de conter l’essentiel, c’est-à-dire la vie de Jeanne, Paul et Gabriel avec les jumeaux.
Ma chère petite Zoé,
Je sais, ta tante Berthe que j’ai vue très régulièrement jusqu’à sa dernière maladie me l’a dit bien souvent, je sais que ton frère et toi m’avez complètement oubliée et que ton père a tout fait pour cela. D’après elle, il avait tellement souffert de mon départ, même si ce départ me fut en quelque sorte imposé, que tout ce qui pouvait évoquer mon souvenir lui étant insupportable, il interdit toute référence à mon existence. En bref, on ne parla plus de moi. Bien sur, j’aurais pu refuser de monter dans la voiture de Gabriel. Je pense que je l’aurais regretté ; je les aimais tous deux, mais je crois, comme je le croyais alors, que je n’étais indispensable qu’à Gaby. J’ai eu depuis bien des occasions de constater que c’est là l’illusion de bien des femmes, au moins celles de ma génération, et autant que j’ai pu en juger de bien des plus jeunes également, croire que leur bonheur pourrait tenir dans le bonheur qu’elles pourront donner aux autres, choisir, si elles pensent avoir le choix entre deux hommes, choisir celui qui leur parait le plus faible.
Sottise ! Sottise ! Sottise !
Passons ! Je n’écris pas pour revenir sur mes déboires sentimentaux. Je suis montée dans cette voiture, j’ai choisi cette vie-là et PERSONNE ne m’a jamais rien imposé.
Ma vie n’a, par la suite, pas toujours été heureuse, mais il me reste le souvenir de ces quatre merveilleuses années passées avec votre père et vous. C’est ce souvenir heureux que je dois partager avec vous, que je ne peux plus partager avec personne d’autre.
Te souviens-tu de promenades dans la montagne, juste au-dessus de M… ? Vous couriez sur le sentier, ton frère et toi, jusqu’à épuisement, puis vous acheviez la montée sur les épaules de Paul et Gaby.
Te souviens-tu de nos pique-niques ?
As-tu oublié ce jour où tu as glissé dans un torrent ? Tu avais quatre ans. Tu peux avoir gardé ce souvenir-là. Si un souvenir de cette époque t’est resté, ce ne peut être que celui-là. L’incident, en réalité, n’a pas été si grave, ni le danger si redoutable, mais nous avons cru un instant te voir emportée et nos cris vous ont tant effrayés, Lucien et toi, qu’il nous a fallu près d’une heure pour parvenir à vous rassurer. L’angoisse éprouvée ce jour-là devrait, me semble-t-il, avoir laissé quelque trace chez de si jeunes enfants.
Si je te raconte cela, c’est évidemment dans l’espoir de te donner une preuve de la réalité de notre lien ancien.
J’ai pu être incohérente dans ma première lettre ; je crois, par exemple, avoir utilisé le mot « frères » pour parler des liens entre Paul et Gaby ; s’ils ne l’étaient pas pour les services d’identité, ils ont, jusqu’à leur rupture, défini ainsi leur attachement ; il y a là toute une histoire, leur rencontre, la protection apporté par Paul au petit Gaby(n’oublions pas les sept ans d’écart), que je te conterai peut-être un jour, de vive voix, si tu décides de venir me voir. Tu as pu me prendre pour un imposteur ou une mythomane.
Tu nous appelais réellement « tonton et tantine » en ce temps-là et qu’importe que les liens  du sang n’aient jamais existé.
J’ai surement commis une autre erreur, une erreur que Gaby et moi avons faite toute notre vie, une erreur qui peut, si vous l’avez remarquée, vous avoir fait croire à de l’affabulation ; je pense avoir dit que Gabriel et moi étions à l’Ecole Normale en 43 ce qui est impossible, Pétain l’ayant supprimée des 1940. Eh bien, cela je l’ai dit parce que j’y croyais, j’y ai cru fermement, et Gabriel aussi, durant des années ; ce n’est qu’aujourd’hui, parce que j’essaie de me remémorer le contenu de ma lettre précédente, ce qui m’oblige à un effort intellectuel que je néglige habituellement—habituée à dire « Nous étions à l’Ecole normale en 1943 », je le rabâche  sans réflexion ». En réalité, nous avons fait un stage à l’Ecole Normale rétablie après la Libération et, par un effet que je m’explique mal, nous avons cru de bonne  foi en avoir été les élèves plus tôt, ce qui aurait très probablement été le cas si le monde n’était pas devenu fou. Cette aberration de la mémoire peut te paraitre curieuse et pourtant… Si on examine bien la plupart de nos souvenirs d’enfance, on a souvent bien du mal à reconnaitre  les souvenirs d’événements réellement vécus, les souvenirs construits à partir de ce qui nous a été raconté par les adultes, les souvenirs construits à partir de nos propres angoisses(il arrive, parait-il, fréquemment que des enfants croient contre toute vraisemblance avoir provoqué la mort de leur petit frère , de leur père ou de leur mère, qu’ils gardent le « souvenir » de cet évènement), cela tout le monde le sait. Eh bien, il en va de même parfois pour la mémoire de l’adulte. J’ai à V… une voisine, assez influençable, devenue mon amie depuis mon installation ici, qui me racontait comme véridique et arrivée à son père une histoire que j’avais déjà lue plusieurs fois sous des formes légèrement différentes dans des Contes et Légendes de plusieurs régions du monde. Il s’agit d’un paysan qui vend un animal (cheval, âne, mule, chameau ou dromadaire, âne  dans notre cas) puis qui, voulant en acheter un autre plus jeune se fait « refiler » le sien dument maquillé.  Pourquoi, après tout, une histoire qui trainait partout ne serait-elle pas arrivée réellement au père de ma voisine ? Pour quelle raison aurais-je mis son récit en doute ? J’avais un doute toutefois. Je m’en ouvris donc à Aline, la belle-fille de ma brave amie qui ne fit qu’en rire. Selon elle, jamais ni elle ni son mari n’avait entendu parler de cette histoire du vivant du grand-père, grand conteur de fin de repas qui n’aurait pas manqué de mettre ce beau coup à son répertoire même si l’histoire n’était pas absolument à son avantage ; cette histoire a été rapportée une dizaine d’années après sa mort par un ami de la famille, grand conteur lui-même qui, selon  Aline, améliora une vieille histoire en l’attribuant à un personnage connu de ses auditeurs, tout simplement. « L’extraordinaire  c’est que ma belle-mère a accepté toute l’histoire, ne s’est pas une seconde demandé comment elle pouvait ne jamais en avoir entendu parler, l’a proprement adoptée en la racontant à son tour. Et je ne sais pas s’il a jamais eu une mule…»a-t-elle conclu.
Il me revient aussi une histoire  qui aurait pu être beaucoup plus grave de l’époque où je vivais encore à M…
Un ivrogne local, Monsieur P… passant devant la maison de ton père est tombé, son crâne a porté contre les rails du tramway ou contre une bordure de trottoir, il en est mort.
Madame L… avait vu passer la voiture de Monsieur X…
Il y a eu enquête de gendarmerie.
Madame L… a témoigné avoir vu la voiture de Monsieur X… au niveau  de Monsieur P… au moment de la chute.
Ta tante Berthe était devant votre porte au même moment. Elle a vu l’automobile de Monsieur X… passer devant elle, puis Monsieur P… sortir du café, chuter après une vingtaine de mètres—distance évaluée par la gendarmerie.
L’enquête a innocenté Monsieur X…, « aucune trace d’impact par un véhicule automobile n’ayant été constatée ».
Berthe et Madame L… sont restées en froid quelques semaines.
Berthe me rappelait parfois cette histoire quand elle venait me voir. Elle était persuadée de la bonne foi de Madame L… qui n’a d’ailleurs jamais accepté, contre toute évidence, de reconnaitre son erreur.
Je me rappelle aussi le cas curieux d’une de mes élèves de sixième, Annie C…, une petite pensionnaire à laquelle je me suis intéressée plus particulièrement, une gamine rêveuse, perdue dans l’internat, impressionnable, angoissée, le profil idéal pour « s’autosuggérer » au point que je vais te conter.
Au lycée de jeunes filles de S… où j’enseignais le français et le latin dans les petites classes dans les années 50, les internes et les demi-pensionnaires déjeunaient de midi à midi et demi, sortaient dans le parc –le Lycée de S… disposait encore d’un vaste terrain pour les récréations et les séances d’éducation physique—jusqu’à une heure et demi, puis rentraient dans leurs «salles d’études » en attendant l’heure de rentrée des externes et la reprise des cours de l’après-midi à deux heures. Cette « étude », très brève, était évidemment une séance de chahut plutôt qu’une étude véritable.
C’est au sortir d’une de ces « études de midi » que  Mademoiselle S… la surveillante chargée des sixièmes  fut alertée par l’élève R… qui avait trouvé, gravée sur son pupitre, l’inscription  injurieuse « Merde à S… ». Et Mademoiselle S… alerta—sottement, à mon avis—sa hiérarchie, Mademoiselle W…, surveillante générale.
L’affaire aurait pu paraitre claire, l’occupante habituelle de cette table à l’étude de midi étant l’élève R… punie le matin-même par Mademoiselle S…, si le « méfait » n’avait été signalé par R… elle-même. « Certes », disait-on, « mais l’inscription gravée au couteau étant difficilement effaçable, R… s’étant aperçu de sa sottise trop tard a pu vouloir prévenir les accusations. » Et donc, l’affaire n’était pas claire du tout.
La « surgé » demandait à R… d’avouer. R… niait obstinément.
Il y eut punition générale de la classe  « jusqu’aux aveux de la coupable »: plus d’autorisation de sorties le Jeudi, mesure extrêmement injuste qui ne touchait que les pensionnaires—et R… que la rumeur désignait comme l’évidente coupable était demi-pensionnaire--, suppression des récréations. Les élèves punies, assurées pour la plupart de la culpabilité de R…, la harcelaient pour qu’elle se dénonce. Les élèves de troisième, menées par la sœur ainée de R… qui voyait dans cet acharnement « le mépris de bourgeoises pour les pauvres »--et il est exact que bien que la plupart des élèves ne soient pas exactement « des bourgeoises » elles pouvaient le paraitre comparées aux sœurs R… dont les plus mauvaises langues du lycée commençaient à dire « qu’elles vivaient de la charité publique ».
Le Lycée ne parlait plus que de l’Affaire. On était pour R… ou contre R…
Cela dura un mois, jusqu’à ce que les parents d’élèves les plus influents obtiennent la suppression des sanctions.
Cela s’était produit en Novembre, au début de l’année scolaire et, à la fin de l’année, alors que tout paraissait oublié, peu avant la distribution des prix, la petite Annie C… me confia qu’elle avait un doute sur cette affaire ; au cours de l’affaire, elle n’avait guère remarqué que les sanctions et encore fort peu car elle ne sortait jamais le Jeudi et, pour lire, elle était bien plus confortablement installée dans la salle d’étude qu’assise dans l’herbe en Novembre, mais ensuite, mise au courant des détails de l’affaire, elle avait pensé qu’elle aurait bien pu être l’auteur de l’inscription et que plus elle y réfléchissait plus il lui semblait que c’était elle qui avait écrit avec la pointe de son compas et plus elle en était sure.
J’ai dit à Annie que R… m’avait avoué sa culpabilité. Je ne suis pas sure qu’elle m’ait crue.
Encore une fois je m’éloigne de mon sujet.
Je reprendrai, j’essaierai de reprendre mon propos dans une prochaine lettre.
Tante Jeanne




vendredi 13 mai 2011

Journal de Zoé : Vélo et autres

Vendredi 13 Mai 2011

Vélo.
Arrachage d’orties ; lanterne du fond dégagée.
Commande sur AbeBooks des Mémoires de Saint-Simon

mercredi 11 mai 2011

Journal de Zoé : Il faut cultiver notre jardin

Mercredi 11 Mai 2011

Au petit déjeuner, sur France-Infos, j’entends que quelqu’un aurait annoncé la fin de Rome pour aujourd’hui : attraction conjuguées de la Lune et … quelle planète déjà ? Rires.
Arrachage de quatre mètres carrés d’orties. Bien !
Vélo. Bien !
Arrachage de deux mètres carrés d’orties. Pas mal !

Le cours sur le travail de la mémoire et la construction des souvenirs  de « tantine » attendra.
Les commentaires de mon blog attendront aussi. Un peu.

mardi 10 mai 2011

Journal de Zoé : Témoignages

Mardi 10 Mai 2011

Il me souvient d’un autre 10 mai.
10 Mai 1981. Que nous étions heureux ! Quelle déception !

« Ma tante » essaie de s’en sortir comme elle peut :

J’ai surement commis une autre erreur, une erreur que Gaby et moi avons faite toute notre vie, une erreur qui peut, si vous l’avez remarquée, vous avoir fait croire à de l’affabulation ; je pense avoir dit que Gabriel et moi étions à l’Ecole Normale en 43 ce qui est impossible, Pétain l’ayant supprimée des 1940. Eh bien, cela je l’ai dit parce que j’y croyais, j’y ai cru fermement, et Gabriel aussi, durant des années ; ce n’est qu’aujourd’hui, parce que j’essaie de me remémorer le contenu de ma lettre précédente, ce qui m’oblige à un effort intellectuel que je néglige habituellement—habituée à dire « Nous étions à l’Ecole normale en 1943 », je le rabâche  sans réflexion ». En réalité, nous avons fait un stage à l’Ecole Normale rétablie après la Libération et, par un effet que je m’explique mal, nous avons cru de bonne  foi en avoir été les élèves plus tôt, ce qui aurait très probablement été le cas si le monde n’était pas devenu fou. Cette aberration de la mémoire peut te paraitre curieuse et pourtant… Si on examine bien la plupart de nos souvenirs d’enfance, on a souvent bien du mal à reconnaitre  les souvenirs d’événements réellement vécus, les souvenirs construits à partir de ce qui nous a été raconté par les adultes, les souvenirs construits à partir de nos propres angoisses(il arrive, parait-il, fréquemment que des enfants croient contre toute vraisemblance avoir provoqué la mort de leur petit frère , de leur père ou de leur mère, qu’ils gardent le « souvenir » de cet évènement), cela tout le monde le sait. Eh bien, il en va de même parfois pour la mémoire de l’adulte. J’ai à V… une voisine, assez influençable, devenue mon amie depuis mon installation ici, qui me racontait comme véridique et arrivée à son père une histoire que j’avais déjà lue plusieurs fois sous des formes légèrement différentes dans des Contes et Légendes de plusieurs régions du monde. Il s’agit d’un paysan qui vend un animal (cheval, âne, mule, chameau ou dromadaire, âne  dans notre cas) puis qui, voulant en acheter un autre plus jeune se fait « refiler » le sien dument maquillé.  Pourquoi, après tout, une histoire qui trainait partout ne serait-elle pas arrivée réellement au père de ma voisine ? Pour quelle raison aurais-je mis son récit en doute ? J’avais un doute toutefois. Je m’en ouvris donc à Aline, la belle-fille de ma brave amie qui ne fit qu’en rire. Selon elle, jamais ni elle ni son mari n’avait entendu parler de cette histoire du vivant du grand-père, grand conteur de fin de repas qui n’aurait pas manqué de mettre ce beau coup à son répertoire même si l’histoire n’était pas absolument à son avantage ; cette histoire a été rapportée une dizaine d’années après sa mort par un ami de la famille, grand conteur lui-même qui, selon  Aline, améliora une vieille histoire en l’attribuant à un personnage connu de ses auditeurs, tout simplement. « L’extraordinaire  c’est que ma belle-mère a accepté toute l’histoire, ne s’est pas une seconde demandé comment elle pouvait ne jamais en avoir entendu parler, l’a proprement adoptée en la racontant à son tour. Et je ne sais pas s’il a jamais eu une mule…»a-t-elle conclu.
Il me revient aussi une histoire  qui aurait pu être beaucoup plus grave de l’époque où je vivais encore à M…
Un ivrogne local, Monsieur P… passant devant la maison de ton père est tombé , son crâne a porté contre les rails du tramway ou contre une bordure de trottoir, il en est mort.
Madame L… avait vu passer la voiture de Monsieur X…
Il y a eu enquête de gendarmerie.
Madame L… a témoigné avoir vu la voiture de Monsieur X… au niveau  de Monsieur P… au moment de la chute.
Ta tante Berthe était devant votre porte au même moment. Elle a vu l’automobile de Monsieur X… passer devant elle, puis Monsieur P… sortir du café, chuter après une vingtaine de mètres—distance évaluée par la gendarmerie.
L’enquête a innocenté Monsieur X…, « aucune trace d’impact par un véhicule automobile n’ayant été constatée ».
Berthe et Madame L… sont restées en froid quelques semaines.
Berthe me rappelait parfois cette histoire quand elle venait me voir. Elle était persuadée de la bonne foi de Madame L… qui n’a d’ailleurs jamais accepté , contre toute évidence, de reconnaitre son erreur.

lundi 9 mai 2011

Journal de Zoé : Souvenirs?

Lundi 9 Mai 2011

Suite de la lettre de « tante Jeanne » qui peine à expliquer ses incohérences précédentes et qui n’y parvient pas vraiment.

J’ai pu être incohérente dans ma première lettre ; je crois, par exemple, avoir utilisé le mot « frères » pour parler des liens entre Paul et Gaby ; s’ils ne l’étaient pas pour les services d’identité, ils ont, jusqu’à leur rupture, défini ainsi leur attachement ; il y a là toute une histoire, leur rencontre, la protection apporté par Paul au petit Gaby(n’oublions pas les sept ans d’écart), que je te conterai peut-être un jour, de vive voix, si tu décides de venir me voir. Tu as pu me prendre pour un imposteur ou une mythomane.
Tu nous appelais réellement « tonton et tantine » en ce temps-là et qu’importe que les liens  du sang n’aient jamais existé.
J’ai surement commis une autre erreur, une erreur que Gaby et moi avons faite toute notre vie, une erreur qui peut, si vous l’avez remarquée, vous avoir fait croire à de l’affabulation ; je pense avoir dit que Gabriel et moi étions à l’Ecole Normale en 43 ce qui est impossible, Pétain l’ayant supprimée des 1940. Eh bien, cela je l’ai dit parce que j’y croyais, j’y ai cru fermement, et Gabriel aussi, durant des années ; ce n’est qu’aujourd’hui, parce que j’essaie de me remémorer le contenu de ma lettre précédente, ce qui m’oblige à un effort intellectuel que je néglige habituellement—habituée à dire « Nous étions à l’Ecole normale en 1943 », je le rabâche  sans réflexion ». En réalité, nous avons fait un stage à l’Ecole Normale rétablie après la Libération et, par un effet que je m’explique mal, nous avons cru de bonne  foi en avoir été les élèves plus tôt, ce qui aurait très probablement été le cas si le monde n’était pas devenu fou.

Oui, « ma tante », oui, la mémoire nous joue tous les tours imaginables, comme par exemple ce pauvre Lucien qui croit maintenant m’avoir poussée dans un torrent et dont je me demande s’il ne vient pas tout juste de « se faire suggérer » cet ancien souvenir… Là, j’exagère peut-être.

dimanche 8 mai 2011

Journal de Zoé : Réponses aux lecteurs

Dimanche 8 Mai 2011

Chose promise…

Voici mes réponses aux questions en suspens « chez Charlotte » pour « les tribulations ».
En voici quelques unes.

Pourquoi avoir choisi le mot tribulation?
Je n’ai pas de réponse rationnelle à cette question postée par AC le 6 Mars à 11h07. C’est venu tout seul et c’est resté.
Dans "Ouverture du journal", vous dites bien que la Zoé qui écrit là est aussi virtuelle que les autres. Doit-on comprendre qu'il s'agit :
de la personne qui tient le blog
de la personne fictive supposée dans HISTOIRE DES BERGERET tenir le blog
de la soeur fictive de Lucien
peut-être même de quelqu'un d'autre.

Je ne sais si je m'explique clairement.

Avez-vous, Zoé, la réponse à mes questions?
Ah ! Fleur des champs qui posiez cette question  le 06/03/2011 à 12h50 ! Que vous répondre ? Le sais-je moi-même ?
Non ! Je n’ai pas la réponse à vos questions. Mais vous le saviez déjà, n’est-ce pas ?


Voici une question de AC,  datée du 7 Mars, à laquelle je réponds OUI :
Avez-vous vraiment lu Ces dames aux chapeaux verts?

Merci à AC, encore lui, qui m’a aidé  le 07/03/2011 à 12h01 à retrouver certain « blog répétitif »

Et à sa question du lendemain 8 Mars:
Quand répondrez-vous à nos questions?
Je réponds « MAINTENANT »

Le 10 Mars, Charlotte laissa 3 messages. Elle n’avait donc pas définitivement disparu.
J’ai depuis répondu de vive voix aux questions qu’elle me posait.




La suite, demain ... ou plus tard.

samedi 7 mai 2011

Journal de Zoé : Salmigondis

Samedi 7 Mai 2011

Fatiguée.
Du Vent ! Toujours du Vent !

J’avance très lentement dans la transcription de la Lettre.
Le passage que je suis en train de « traduire » est particulièrement ardu, un peu par la forme, la calligraphie en est monstrueuse, beaucoup par le sujet dans lequel elle s’est embarquée--les tours que nous joue la mémoire et particulièrement avec l’âge—, dans lequel elle s’emmêle, voulant trop prouver et accumulant des exemples qui nous éloignent sensiblement de l’objet de sa lettre. Si je comprends bien, ce qu’elle écrit là tend à rattraper les « gaffes » de la première lettre.

Charlotte me demande de répondre aux commentaires qui me sont adressés sur son blog.
Je verrai cela demain.


vendredi 6 mai 2011

Journal de Zoé : Journée médiocre

Vendredi 6 Mai 2011

Journée médiocre.
Je me suis levée « couci-couça » et je crains que la journée entière ne soit de la même sorte.
Le torrent de « tante Jeanne » y serait-il pour quelque chose ? Ce n’est pas impossible.
J’ai effectivement un vague souvenir de cet épisode, mais dans mon souvenir, que je croyais d’ailleurs imaginaire, un rêve ancien, je n’étais nullement effrayée ; certes, je revoyais l’affolement de mon père se portant à mon secours, et cela je le revoyais très précisément, mais c’était tout ce qui me restait de cette scène ; à bien y réfléchir, ma mémoire n’avait d’ailleurs enregistré que la présence de mon père.
J’en ai parlé à Lucien. A ma très grande surprise, il se rappelait tout, y compris la présence d’autres personnes. Et il m’a avoué qu’il lui en est resté un sentiment de culpabilité, qu’il a l’impression, sans certitude, de m’avoir poussée dans l’eau.

Voilà pour le torrent.

Je n’ai pas eu le courage de reprendre la lettre de « tantine ».

Journée médiocre.
Grand vent.

jeudi 5 mai 2011

Journal de Zoé : Rudes Journées

Jeudi 5 Mai 2011

Aujourd’hui, non seulement Zoé et Lucien Bergeret mais aussi, par une coïncidence troublante, Charlotte fêtent leur soixante-huitième anniversaire.
Le maçon est enfin venu ce matin. Il a dressé un échafaudage le long de la façade Sud de la maison de Charlotte et Lucien. Il doit revenir Lundi avec son équipe pour les premiers travaux de ravalement. Si j’ai bien compris, ils commenceront par la restauration des encadrements de fenêtre.

Suite de la lettre de « tante Jeanne » qui répond partiellement à nos interrogations :

Te souviens-tu de nos pique-niques ?
As-tu oublié ce jour où tu as glissé dans un torrent ? Tu avais quatre ans. Tu peux avoir gardé ce souvenir-là. Si un souvenir de cette époque t’est resté, ce ne peut être que celui-là. L’incident, en réalité, n’a pas été si grave, ni le danger si redoutable, mais nous avons cru un instant te voir emportée et nos cris vous ont tant effrayés, Lucien et toi, qu’il nous a fallu près d’une heure pour parvenir à vous rassurer. L’angoisse éprouvée ce jour-là devrait, me semble-t-il, avoir laissé quelque trace chez de si jeunes enfants.
Si je te raconte cela, c’est évidemment dans l’espoir de te donner une preuve de la réalité de notre lien ancien.
J’ai pu être incohérente dans ma première lettre ; je crois, par exemple, avoir utilisé le mot « frères » pour parler des liens entre Paul et Gaby ; s’ils ne l’étaient pas pour les services d’identité, ils ont, jusqu’à leur rupture, défini ainsi leur attachement ; il y a là toute une histoire, leur rencontre, la protection apporté par Paul au petit Gaby(n’oublions pas les sept ans d’écart), que je te conterai peut-être un jour, de vive voix, si tu décides de venir me voir. Tu as pu me prendre pour un imposteur ou une mythomane.
Tu nous appelais réellement « tonton et tantine » en ce temps-là et qu’importe que les liens  du sang n’aient jamais existé.

Je relève dans l’article du jour de Chevillard cette bonne illustration des informations « en boucle » du moment :
Mauvaises idées… la barbe postiche… le Pakistan… aurait dit Xavier Dupont de Ligonnès dans un râle ultime.

Je n’aurai probablement plus de temps aujourd’hui pour les travaux de déchiffrage-transcription. J’attends la livraison d’un petit meuble. Livraison promise pour l’après-midi du Jeudi 5 Mai.
Attendons !

mercredi 4 mai 2011

Journal de Zoé : Souvenirs!

Mercredi 4 Mai 2011

Nous avons attendu le  maçon—nous entreprenons des travaux—toute la matinée.
J’ai eu du temps, malgré cela, pour poursuivre la transcription de La Lettre :

Ma chère petite Zoé,
Je sais, ta tante Berthe que j’ai vue très régulièrement jusqu’à sa dernière maladie me l’a dit bien souvent, je sais que ton frère et toi m’avez complètement oubliée et que ton père a tout fait pour cela. D’après elle, il avait tellement souffert de mon départ, même si ce départ me fut en quelque sorte imposé, que tout ce qui pouvait évoquer mon souvenir lui étant insupportable, il interdit toute référence à mon existence. En bref, on ne parla plus de moi. Bien sur, j’aurais pu refuser de monter dans la voiture de Gabriel. Je pense que je l’aurais regretté ; je les aimais tous deux, mais je crois, comme je le croyais alors, que je n’étais indispensable qu’à Gaby. J’ai eu depuis bien des occasions de constater que c’est là l’illusion de bien des femmes, au moins celles de ma génération, et autant que j’ai pu en juger de bien des plus jeunes également, croire que leur bonheur pourrait tenir dans le bonheur qu’elles pourront donner aux autres, choisir, si elles pensent avoir le choix entre deux hommes, choisir celui qui leur parait le plus faible.
Sottise ! Sottise ! Sottise !

A midi, le maçon a appelé pour dire qu’il viendra « peut-être » dans l’après-midi.
Attendons.
En attendant, quelques lignes supplémentaires de la lettre :

Passons ! Je n’écris pas pour revenir sur mes déboires sentimentaux. Je suis montée dans cette voiture, j’ai choisi cette vie-là et PERSONNE ne m’a jamais rien imposé.
Ma vie n’a, par la suite, pas toujours été heureuse, mais il me reste le souvenir de ces quatre merveilleuses années passées avec votre père et vous. C’est ce souvenir heureux que je dois partager avec vous, que je ne peux plus partager avec personne d’autre.
Te souviens-tu de promenades dans la montagne, juste au-dessus de M… ? Vous couriez sur le sentier, ton frère et toi, jusqu’à épuisement, puis vous acheviez la montée sur les épaules de Paul et Gaby.
Te souviens-tu de nos pique-niques ?
As-tu oublié ce jour où tu as glissé dans un torrent ? Tu avais quatre ans. Tu peux avoir gardé ce souvenir-là.

mardi 3 mai 2011

Journal de Zoé : La deuxième lettre

Mardi 3 Mai 2011

La Lettre est arrivée au courrier de ce matin.
Toujours les mêmes pattes de mouche désordonnées.
J’ai eu le temps de transcrire le début.
J’utilise cette fois une police que je n’avais pas remarquée précédemmentet qui évoquera mieux la lettre manuscrite :  Lucida Handwriting.

Ma mère, je ne sais pas si tu t’en souviens, mais non, suis-je sotte, tu ne peux pas l’avoir rencontrée si je ne la voyais plus moi-même à cette époque-là, ma mère était une femme de l’ancien temps et, je ne dis pas une bourgeoise, mais issue de la bourgeoisie. Sa mère avait toujours eu plusieurs bonnes, la mienne avait un peu déchu et l’époque avait changé, il devenait difficile de « se faire servir » comme elle ne cessait de répéter n’importe quand et n’importe à qui. J’ai été élevée dans l’idée surannée qu’une « demoiselle bien élevée doit être capable de  tout faire dans son ménage, non parce qu’elle aura à le faire elle-même—à Dieu ne plaise !--, mais parce qu’elle aura sans doute à former ses bonnes et que pour en être respectée elle devra se montrer compétente ».
Ses bonnes, ma mère les choisissait parmi les jeunes personnes de M… que leurs parents souhaitaient « placer » en ville. Ces gamines, sous prétexte de « formation », assuraient notre service pour presque rien ; je ne trouve pas d’autre mot que « rien » pour les conditions dans lesquelles elles étaient « logées, nourries, blanchies ».
Et voilà que je parle de ma mère et que je ne sais même plus ce que je voulais t’écrire.
Si j’ai commencé cette lettre, c’était pour te parler de notre passé commun, te le faire connaitre, car il me semblait indispensable de savoir qui nous sommes vraiment. Et maintenant, je m’interroge sur la nécessité de tout cela. Cette grande fatigue que je m’impose te sera-t-elle vraiment utile ? Pourquoi remuer le passé ?
Ce 11 Avril 2011, je reprends ce courrier.
Voilà plus de deux semaines, je t’ai envoyé les premiers feuillets.
Les premières lignes de ce texte-ci étaient alors déjà rédigées.
Je les conserve et commence maintenant une deuxième lettre où j’essaierai de conter l’essentiel, c’est-à-dire la vie de Jeanne, Paul et Gabriel avec les jumeaux.
Ma chère petite Zoé,
………..

lundi 2 mai 2011

Journal de Zoé : Ils ont vu Claudine

Lundi 2 Mai 2011

Lucien et Charlotte sont rentrés hier soir de V…
Lucien, dans un premier temps avait refusé d’aller voir « tante Jeanne » pour moi.
Charlotte l’a convaincu d’y aller incognito.
Et ils sont allés voir et ils ont vu.

Il existe bien à V…, à l’adresse donnée au verso de la lettre, une Jeanne Bergeret. Cela, nous le savions déjà par l’annuaire du téléphone.
Claudine Ferrand existe également ; elle effectue quelques heures de ménage chez Jeanne Bergeret. Charlotte et Lucien l’ont rencontrée, se sont présentés en lui faisant promettre de garder le secret. C’est bien elle qui m’a envoyé un mail de mise en garde. C’est elle aussi qui avait posté la lettre que j’ai reçue et elle encore qui venait justement d’en poster une autre quand Charlotte l’a abordée.
Ils ont été invités à prendre une tasse de café avec des biscuits chez une autre de ses « employeuses » qui se trouve être la plus proche voisine et l’amie la plus intime de Jeanne, c’est dire que maintenant, ils savent tout ce que l’on peut savoir à V… de « ma tante ».
Ils savent que c’est une personne « pas facile », qu’elle n’est pas « bien appréciée dans le village », qu’elle est « un peu regardante », mais qu’elle a « de l’instruction », qu’elle a un piano chez elle, mais qu’elle n’en joue plus à cause des rhumatismes.
Sur son passé, nulle certitude.
On dit qu’elle est veuve, qu’elle n’a pas d’enfant ni de famille « qui vient la voir », qu’elle a du « avoir du bien » et qu’on « voit bien qu’elle n’a pas toujours vécu comme ça », mais rien de concret sur sa vie avant son arrivée qui remonte à une vingtaine d’années.
Rien d’intéressant pour moi, donc, sinon l’annonce de l’arrivée imminente d’une deuxième lettre.

dimanche 1 mai 2011

Journal de Zoé : Béatifions

Dimanche 1er mai 2011

Impossible d’allumer une radio aujourd’hui sans tomber sur la béatification de JPII.
Même chez Assouline et bien que le billet du jour n’ait aucun rapport avec « l’événement »--mais qui se soucie du billet du jour chez Assouline--, je trouve ce commentaire :
« Maginifique messe de béatification de Jean-Paul II que désormais nous pourrons appeler Bienheureux et vénérer aux autels qui lui seront consacrés !Alleluia ! Le 1er mai rimera désormais avec Jean-Paul II, bien loin des revanches internationalistes et marxistes en décrépitude. | le 01 mai 2011 à 09:55 »

Soulignons que D s’est fait « rentrer dedans » par plusieurs commentateurs.
Tout de même !

Je ne sais quel ministre français assistait à la messe. Et cela ne choque personne !